Visiblement, le Ministre-Président semble vouloir caresser son électorat dans le sens du poil avant un prochain débat parlementaire sur le projet de nouvelle ordonnance fixant le cadre régulatoire pour les hébergements touristiques. Il nous apparaît qu’en prenant cette position, l’avis des citoyens bruxellois n’est tout simplement pas prise en compte, par manque d’informations objectives sur la problématique dans son ensemble. Il nous semble donc opportun d’apporter des éléments de clarification sur base des différentes affirmations du Ministre-Président :
- « Il y a déjà une ordonnance qui existe » : oui, et d’ailleurs depuis bientôt 10 ans (8 mai 2014), qui a conduit à l’explosion d’un marché majoritairement clandestin, au détriment de tous (citoyens, touristes, secteur hôtelier, secteur de la résidence de tourisme). Et la nouvelle ordonnance continue à mettre en œuvre une politique d’interdiction …
- « c’est un phénomène que l’on rencontre dans toutes les villes et qui a pour effet principalement de chasser les habitants des centres historiques » : le premier but d’un hébergement touristique non hôtelier est d’accueillir un touriste, loisir ou business, et non de chasser les habitants. Il y a moyen de profiter des effets bénéfiques de ce nouveau mode de consommation tout en maîtrisant les potentiels effets négatifs, qu’il faut d’ailleurs démontrer. Cela se fait par une politique de régulation de l’offre, tant particulière que professionnelle, et non par une politique d’interdiction qui conduit au marché clandestin actuel.
- « c’est plus rentable de louer par Airbnb que par une location classique » : proposer un hébergement touristique de façon qualitative représente du travail et on ne peut donc pas comparer les revenus de l’une et l’autre activité. Cela rapporte plus, certes, mais il faut considérer les revenus du travail au-delà des revenus de la propriété, et les charges associées à l’activité.
- « ce que nous visons, c’est protéger le logement » : le logement décent des bruxellois à prix raisonnable doit évidemment être une priorité du gouvernement. La question est de savoir si le secteur de la location courte durée doit être le bouc-émissaire d’une gestion hasardeuse de cette thématique depuis des décennies. Voir article : Le Soir : « Un lien établi entre la présence d’Airbnb et la hausse du prix des loyers ». STR-Belgium réagit et souhaite un débat nuancé et transversal – STR Belgium
- « Souvent, quand vous avez des airbnbs dans des immeubles, c’est la fiesta en permanence » : c’est d’abord très réducteur et faire manque de respect à de nombreux voyageurs (aussi bruxellois) qui utilisent la plate-forme Airbnb (ou d’autres) et qui sont très respectueux de l’habitation qu’ils louent à l’étranger. Mais c’est aussi un argument électoraliste démodé dans la mesure où une solution évidente d’ailleurs déployée par les acteurs professionnels, partout en Europe, existe : les sonomètres intelligents et les sociétés de service spécialisées dans le maintien de la tranquillité publique. Mais malheureusement, aucune trace d’une quelconque obligation à ce sujet dans le projet de nouvelle ordonnance … ?! Il y a pourtant une opportunité de tirer le secteur vers le haut (labellisation, …)
- « Pour les touristes, il faut que ces logements répondent à des normes de sécurité » : c’est aussi une priorité à nos yeux. Si ce n’est que cet objectif ne peut pas être atteint dans un marché clandestin. Et que par ailleurs, le Ministre-Président oublie une notion fondamentale, outre la sécurité du touriste : la protection de son intérêt au sens large. En tuant l’offre en résidences de tourisme, il est évident que le prix des chambres d’hôtel va être tiré vers le haut. Et cela, ce n’est pas bon pour le touriste qui risque de se détourner de Bruxelles, ni pour l’économie bruxelloise et ses commerces et horeca qui pourraient voir leur fréquentation diminuer.
- « il ne faut pas complètement « rejeter » la location collaborative, c’est comme les Uber et autres » : si l’on peut faire certaines analogies, on ne parle pas de la même chose : si la différence de service pour le consommateur entre un taxi et un Uber est difficilement perceptible (transporter le destinataire de services d’un point A à un point B), la résidence de tourisme offre des prestations complètement différentes de l’hôtel au destinataire de service (autonomie, indépendance, expérience, …). La crise Covid a aussi modifié les attentes des consommateurs à tel point que l’évolution de la demande du secteur de la résidence de tourisme ne peut ni être négligée, ni être cataloguée dans l’économie collaborative. Voir les chiffres Eurostat sur l’évolution comparative entre 2023 et les autres années.
- Et last but not least – « Le secteur hôtelier, c’est un secteur économique, il est logique qu’on le protège … ». Monsieur le Ministre-Président, vous ne pouvez pas nier le chiffres d’Eurostat, vous ne pouvez pas nier tout l’écosystème des entreprises de services qui gravitent autour de notre activité, vous ne pouvez pas nier l’impact négatif que votre politique d’interdiction aura sur le secteur Horeca. Monsieur le Ministre-Président, le secteur de la résidence de tourisme est bien un secteur économique qui contribue et contribuera aussi à assurer l’attractivité économique de Bruxelles, en complémentarité avec les hôtels.
- Et ce que le Ministre-Président n’a pas dit : rien sur la procédure en cours initiée par la Commission Européenne à l’encontre de la Région de Bruxelles-Capitale (via l’Etat Membre Belgique), ni sur comment la Région allait s’organiser avec le Fédéral pour mettre en oeuvre la politique de régulation de l’Union Européenne (implémentation en 2024-2025, mise en service effective en 2026). Mais encore : quid des liens entre le trajet suivi par la nouvelle ordonnance et celui de la révision du PRAS (Share the City) (2026) ?
In fine, beaucoup d’électoralisme dans cette intervention, mais très peu de fond, malheureusement …